L'aguichante presse aoûtienne

L’été sera chaud !
Ce qui n'était encore qu'une vaine promesse prend vie dans nos kiosques à journaux. Le mois d’août est arrivé, et avec lui le temps des titres racoleurs, véritable aubaine pour les rédactions en manque de rédacteurs - ou d’imagination - qui, sous couvert d’étude sociologique, vont pouvoir inscrire en gros caractères sur leur couvertures les quatre lettres les plus vendeuses qui soient : S.E.X.E.

"Partouze à New York"
Les habituelles Unes "people" relatant les vacances « très sexy » de je ne sais quelle star ou arborant la collection printemps-été des poitrines refaites du showbiz, n'étonnent plus personne. On remarquera cependant l'engouement de la presse réputées sérieuse pour les choses du sexe. Ainsi Les Inrock qui, comme chaque année et sans chichi, lance son traditionnel "spécial sexe". Avec des titres aussi évocateurs que "partouze à New York" ou "le dico du cul", et des enquêtes prometteuses sur "le porno en prison" ou "la sexualité des végétaliens". Véridique. 

Le mensuel Rue 89 tente quant à lui la carte de la différence (il fallait oser) en proposant de parler de sexe "autrement" (avec le mot "autrement" en petit et entre parenthèse, comme pour souligner discrètement l’exigence de subtilité dont a voulu s’orner la rédaction, et ainsi cautionner le suggestif ventre plat, évidemment féminin, qui orne la couverture). Des exploits libertins mille fois entendus de Catherine Millet à la révolution arabe sous l’angle de la sexualité, la subtilité selon rue 89 passe du plat réchauffé au goût douteux de l’actualité récupérée. L’an passé, Rue 89 avait au moins osé un papier original sur les jeux érotiques au paléolithique…

Heureusement que l’Express est là pour mettre un peu de sérieux dans ce monde aguicheur. Car si le magazine suit lui aussi la tendance, ce n’est que pour briser "les derniers tabous" entre hommes et femmes. La belle mission que voila. Et c’est reparti pour le témoignage de l’étudiante prostituée, la montée du porno chic et l’influence de Rocco Siffredi dans les moeurs conjugales (véridique, là encore). Rien de bien neuf sous le soleil d'Eros. Pour info, sur quoi l’Express avait-il fait sa couverture l’année dernière, à la même période ? "Amour, comment réveiller le désir"…

De leur côté, les lyonnais, ces petits chanceux, pourront, dans le dernier numéro de Lyon Capitale, tout savoir sur les jeunes et le sexe et sur ce qui reste de la révolution sexuelle de leurs parents. On ne loupera pas non plus l'illustration principale du dernier Ça m’intéresse, avec les torse nus d’un couple s’embrassant fougueusement.  Et ce titre : "amour et plaisir, comment le cerveau mène la danse". Si la science s'en mêle…  Même Auto Plus, nom d'une pipe, propose un article sur les "new-look enfin plus sexy" de chez Renault ! Avec "sexy" écrit en grosses lettres rouges, svp.

Ventes assurées à peu de risques

L'objectif n'est pas ici  de jeter l'opprobre sur telle ou telle publication, par excès de pudibonderie. Juste de noter le curieux hasard qui fait que l'on voit dans le même temps s'étaler dans nos kiosques des titres et couvertures similaires,  les uns à côté des autres, sans réel rapport direct avec l'actualité pouvant justifier la coïncidence.

Bien sur, nous sommes l’été. Et l’été, il faut parler de sujets "agréables". Surtout quand il pleut. Le français veut bien dépenser ses euros dans quelques lectures intellectuelles, mais il rechigne à assombrir ses congés payés d'actualités déprimantes. Sachant cela, le rédacteur malin optera pour un sujet fédérateur capable d'émoustiller les sens de tout un chacun. Quitte à manquer d'originalité.

On pourra toujours voir les directeurs de publication vêtir leur petit costume de trublion insolant et se féliciter de pouvoir parler librement de sexe, sans gêne ni pression aucune, comme un acte de résistance face à ce qu'ils aiment appeler l'ordre moral. "Osons le cul", semble être leur slogan commun, leur bataille. Elle a bon dos la transgression... Mais qui y croit encore ? Car quand tous les vents soufflent dans la même direction, le véritable provocateur n'est-il pas celui qui marche en sens contraire ? Ce qui n'est évidemment pas la meilleure solution pour remplir les caisses, concédons-le. Les temps sont durs pour la profession et là est bien le véritable nerf de leur guerre. Ils osent, avec d’autant plus de conviction que la recette est facile et a déjà fait ses preuves. Étal aguicheur, ventes assurées à peu de risques...

Sur le rayon d’en face, le dernier Youpi propose un dossier spécial sur "nos amis les petites bêtes", tandis que J’aime Lire titre sur "le génie du bigoudi". Et Popi de consacrer ses pages estivales au "petit pipi" de Petit ours brun… Vous avez dit transgression ?