lundi 26 septembre 2011

De Port-au-Prince à Cap Haïtien, la nouvelle vie des "school buses" (Une aventure haïtienne)

Loin des trains de la campagne française ou du métro parisien, les transports en Haiti ont la saveur du burlesque et de l'inattendu. Le moindre voyage peut vite se transformer en aventure à rebondissement, où les voyageurs anonymes deviennent compagnons de galère, rieurs et solidaires.

Entre les tap-taps bruyants et colorés des villes se faufilent les motos taxis, sur lesquelles deux, voir trois passagers s'accrochent derrière le pilote. Sur les pistes caillouteuses de campagnes, ce sont des pickup sans âges qui transportent d'un village à l'autre, dans un nuage de poussière, les étudiants en vacances, des malades rejoignant l'hôpital ou de vieilles marchandes fumant la pipe. Parmi cette faune mécanique, les vieux "school buses" américains ont droit à une nouvelle vie sur l'île. Relookés à la mode du pays, peintures flash ornant les flancs et slogans bibliques sur le pare-brise, ce sont eux qui assurent la liaison entre la capitale et Cap Haïtien, au nord. Dès les premières lueurs du jour, les "bêtes" s'entremêlent sur la station de départ, dans un sac de noeud chaud et grouillant où les chauffeurs font la course au remplissage. Ce n'est qu'une fois gavés de passagers et de marchandises qu'ils se lancent. En attendant, les marchands de rien à l'affût de tout commerce crient et tapent aux carreaux des camions, leur camelote en équilibre au sommet du crâne.

Les jambes en accoudoirs, les épaules en oreiller
A l'intérieur du bus, près de quatre-vingt hommes, femmes et enfants de tout horizons et de tout âge s'entassent sur les banquettes usées et trop petites. Sur le toit, ils sont une vingtaine à s'accrocher tant bien que mal  aux bagages. L'ambiance est agitée, chacun creusant sa place entre les cuisses éparpillées sur les sièges et les valises, jusqu'au départ. Pendant près de six heures - la durée du voyage - dans une chaleur moite et au son vrombissant du moteur, le vieux bus ainsi surchargé court aux travers des montagnes, slalomant entre les piétons et les nids de poules. Et tout du long, le klaxon râleur annonce son passage dans les virages en lacets ou dans les villages traversés. Il traduit parfois l'empressement du chauffeur à doubler les tacots poussiéreux qui se traînent devant lui.

Chacun prend son mal en patience et ses aises comme il le peut. La jambe du voisin devient un accoudoir, son épaule un oreiller. Les enfants dorment sur les premiers genoux trouvés, tandis que des poussins échappés de leur cages piaillent entre la multitude de pieds. Sur la route, les pierres et les pièges sont nombreux, mais la machine est robuste. De temps à autres toutefois, le moteur ancestral réclame sa pause et son eau. Les passagers prient alors pour qu'il tienne le coup jusqu'à destination et que le voyage se déroule sans encombres. Ils sont nombreux les véhicules gisants, capots ouverts comme une gueule béante, désossés ou renversés sur le bas côté. Mais une fois les hauts cols passés, il ne reste qu'à se laisser rouler une grosse heure jusqu'au Cap, arrivée tant attendue où les jambes pourront enfin se dégourdir. Là, on retrouvera tap-taps et motos pour prendre le relais de l'antique "school bus", avant qu'il ne reparte, direction Port-au-Prince. Infatigable.



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