vendredi 7 octobre 2011

La Citadelle, vigie d'un peuple (Une aventure haïtienne)


"C'est ici que les filles et les fils de la terre d'Haiti viennent se recueillir, en quête d'un message d'unité historique de peuple et du choix d'un destin de libertés toujours nouvelles à conquérir" (A. Mangonès, mars 1990).


C'est une forteresse perchée au sommet de la montagne Bonnet à l'Evêque, non loin de Cap Haïtien. Un nid d'aigle à deux heures de marche du premier village. La Citadelle, symbole historique de la nation haïtienne, héritage de Christophe, l'ancien esclave devenu roi. Voulue pour se défendre d'un éventuel retour des français, sa construction s'est étalée entre 1804 et 1817 et a nécessité le travail acharné de 200 000 hommes. 20 000 d'entre eux ont péri à la tâche. A ses pieds, les ruines du palais de Sans-Soucis (photo ci-dessus) dorment tranquillement. C'est là que le roi Christophe, refusant d'affronter la révolte de ses sujets, se tira une balle dans la tête, marquant ainsi la fin du règne du premier roi haïtien. La nuit même, son corps fut inhumé en secret dans l'enceinte de sa Citadelle, dont les murs semblent encore raisonner de sa devise éternelle : "je renais de mes cendres!"





Voici ce que le poète Aimé Césaire racontent de ce lieu insolite (1)

"Ce peuple doit se procurer, vouloir quelque chose d'impossible ! Contre le sort, contre l'histoire, contre la nature, ah ah ! L'insolite attentat de nos mains nues ! Porté par nos mains blessées, le défit insensé ! Sur cette montagne, la rare pierre d'angle, le fondement ferme, le bloc éprouvé ! Assaut du ciel ou reposoir du soleil, je ne sais, la première charge de la relève!  
Imaginez, sur cette peu commune plate-forme, tournée vers le nord magnétique, cent trente pieds de haut, vingt d'épaisseur, les murs chaux et cendre de bagasse, chaux et sang de taureau, une citadelle ! Pas un palais. Pas un château fort pour protéger mon bien-tenant. Je dis la citadelle, la liberté de tout un peuple. Bâtie par le peuple tout entier, hommes et femmes, enfants et vieillards. Voyez, sa tête est dans les nuages, ses pieds creusent l'abîme, ses bouches crachent la mitraille jusqu'au large des mers, jusqu'au fond des vallées, c'est une ville, une forteresse, un lourd cuirassé de pierre... Inexpugnable. 
A chaque peuple ses monuments. A ce peuple qu'on a voulu à genoux, il fallait un monument qui le mit debout. Le voici ! Surgie ! Vigie !"






(1) La tragédie du roi Christophe, aux Editions Présence africaine.






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Photos : Joseph Gynt

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