vendredi 30 décembre 2011

2011 et les esquisses de liberté

En 2011, la Statue de la Liberté, symbole de l'émancipation vis-à-vis de l'oppression, fêtait ses 125 ans. Le bras toujours levé au dessus des berges de l’Hudson, pour éclairer jusqu’à l’autre bout du monde où d’autres statues tombaient, dans un long printemps arabe. Ouvrant la « chasse aux dictateurs », la Tunisie et l’Egypte ont organisé, avec le Maroc, les premières élections libres de leur histoire, tandis que la Libye découvrait la liberté et la Syrie, à leur suite, son prix. Derrière ce vent populaire et puissant, la chute des régimes forts a vite fait place à la menace d’un « hiver islamiste ». Aux médias internationaux qui n'ont semblé voir les révolutions arabes qu'en noir et blanc, les populations locales renvoient, en cette fin d’année, un gris sombre et nuancé, entre le soulagement des libertés retrouvées et les incertitudes de l’avenir. Partout, les loups rodent et l'accélération de l'exode des chrétiens d’orient est un signal d'alarme que trop peu, dans la communauté internationale, acceptent d'entendre.  

"The protester"
C’est un autre vent, celui de l’indignation, qui a soufflé cette année sur les pays occidentaux. De l’extrême gauche espagnole tenant le siège de la place Puerta del Sol, à la diversité des révoltés campant à Wall Street, la foule des « indignés » a marqué les prémices d’une résistance organisée face aux excès d'un capitalisme exacerbé. Dans la tempête des marchés, les États-Unis puis l'Europe ont chancelé sur leurs pieds d’argile. Les rues d’Athènes se sont embrasées. « La Grèce, comme sous l’antiquité, nous éclaire : nous savons désormais que les États sont faillibles », a commenté le Président de l'Autorité des marchés financiers, Jean-Pierre Jouyet. Et les politiques constatent, impuissants, la fin d’un règne occidental que tout annonce. Comme un raz-de-marée, la crise a balayé sur son passage les gouvernements irlandais, portugais, grecs, italiens et espagnols. En 2011, ce ne sont plus les marchés qui tremblent, mais bien les démocraties. Après leur confrontation avec une jeunesse révoltée, les puissants ont semblé découvrir la voix des chrétiens, qui depuis longtemps mettent en garde la société contre « l'idéologie néo-libérale », « l'idolâtrie du marché » et les « attitudes d'égoïsme et de cupidité collective ». De l’indignation à l’action, le pas à franchir semble être celui d’un géant. Surprenant l'establishment politico-médiatique, le Vatican l’a sauté en appelant à une réforme du système financier international, avec l’instauration d’une autorité « à compétence universelle » chargée de coordonner les efforts des institutions financières mondiales. Ceux qui ont des oreilles entendront-ils ?

Il y a un point commun entre les révoltes des peuples arabes contre des régimes oppressifs et celles des fatigués du capitalisme : les traits dissimulés sous un keffieh ou derrière le sourire figé du masque de Guy Fawkes, devenu l’emblème des « indignés », ce sont des anonymes sans visages qui ont fait l’histoire en 2011. Dans la rue ou sur les blogs, assis pacifiquement ou en marche les armes à la main, on l'a vu chantant ou pleurant, criant et, trop souvent, saignant : « the protestor » est devenu l’Homme de l’année, selon le Time magazine. Comme pour rappeler qu’au-delà des systèmes ou des partis, l’humanité est composée d’individus libres et autonomes. Sept milliards, désormais, tous riches de ce qu’ils sont, dans un monde en perpétuelle mutation où chacun à sa place et son rôle à jouer. 2012 pourrait alors voir la fin d'un monde...




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