vendredi 24 mai 2013

Témoignage : quand Hommen et Veilleurs se transmettent la flamme



Amis lecteurs, je vous transmets ici un témoignage reçu ce jour, sur la rencontre entre Hommen et veilleurs, qui s'est déroulée cette semaine à Angers. Bonne lecture et à dimanche ! #ONLR

JG 





jeudi 23 mai 2013

#26mai


Face aux « risques de débordements » de la manif pour tous que l’on agite à tout bout de champ, à « la radicalisation du mouvement » et à « la montée des extrêmes » qui pullulent dans les gros titres, qu’allons-nous faire ? Nous planquer pour éviter les amalgames ? Rentrer gentiment chez nous pour prouver qu’on-a-vraiment-rien-à-voir-avec-ces-gens ? Ce serait confortable et rassurant. Mais ce serait une démission.

Nous étions surs de notre bon droit en janvier, nous l’étions en mars, nous le serons le 26 mai.

Je ne marche pas pour un drapeau ou des guerres de partis, mais pour des valeurs. Dans ce combat, j’affirme mon opposition à toute forme de violence, qu’elle émane du gouvernement, du lobby LGBT ou de manifestants à mes côtés. J’affirme en cela la cohérence de mon action.

Agissant en homme libre, je refuse de céder un pouce de terrain à qui que ce soit qui viendrait contraindre ma liberté et enfermer notre mouvement dans quelque case que ce soit.

Dimanche, je tiendrai ma place.

mercredi 1 mai 2013

Veilleurs : résister par l’intelligence et par le cœur



« L’histoire ne dira pas comment ils ont surgi un jour sans que nul ne les attende, quoique tous les espérassent », écris l’essayiste Jacques de Guillebon en l’honneur des veilleurs. Ce mouvement pacifique et déterminé est apparu dans le flot de l’opposition à loi Taubira. Son succès est mystérieux, son avenir est incertain et son enseignement, précieux.
Les veilleurs auraient pu disparaître avec l’adoption définitive de cette réforme sociétale. Mais ils sont toujours là, une semaine après le vote des députés. Leurs actions s’improvisent au dernier moment, les lieux et les horaires étant communiqués par internet ou par SMS. Elles se déroulent désormais dans plus de soixante-dix villes de France, et jusqu’à l’étranger : Londres, Jérusalem... Qu’ils soient une douzaine à Sélestat ou des centaines à Paris, ils témoignent paisiblement, une bougie à la main, de leur attachement aux « valeurs de la famille », à « l’altérité sexuelle dans le mariage », au « droit des enfants à connaître leur père et leur mère »... Les journaux ne disent pas grand-chose à leur sujet, et encore moins de juste. Ils ne suscitent guère l’attention des élites parisiennes. Au contraire des réseaux sociaux et des blogs, qui s’enflamment pour eux ! On salue l’initiative, on relai les récits des veillées, on comprend que quelque chose de grand est en train de se passer, sans pour autant en distinguer les contours...

Les veilleurs auraient pu choisir de crier leur rage aux rangées de CRS alignées devant les ministères, leur lancer pierres et cannettes aux côtés des habituels excités d’après-manif’. Axel, co-initiateur et chef de file du mouvement, avoue même « en avoir été », mais en être revenu. Pour une autre voie : celle de la lutte non-violente, derrière les Gandhi et les Martin Luther King.

Ils auraient aussi pu se retrouver à prier devant les forces l’ordre, comme le faisaient quelques jours plus tôt les intégristes de Civitas, devant le Sénat. Peut-être même l’auraient-il fait mieux, plus « catholiquement », tant il est vrai que  l’on retrouve dans leurs rangs nombre de pratiquants. Tant il est vrai aussi que les valeurs qu’ils portent sont catholiques. Mais c’eut été oublier ceux des leurs qui ne partagent pas leurs convictions religieuses. C’eut été, surtout, trahir l’âme de leur mouvement et la raison de leur mobilisation : une promotion apolitique et aconfessionnelle de valeurs universelles, qui parlent à tous les cœurs, qu’il faut mener à tous les cœurs.

Le fil rouge des veillées se tisse à partir du plus petit dénominateur commun de l’Homme : cette soif de liberté, de vérité et de justice, comme une aspiration à la vraie paix. Pour l’illustrer, pour la défendre et la promouvoir, ils n’ont voulu ni conférence en chair, ni homélie, mais le témoignage d’illustres prédécesseurs, de toute époque, de tout horizon : poètes, musiciens, philosophes, résistants… Des vers, trésors de l’humanité, par leurs bouches déclamés, dont ils se font les héritiers légitimes. L’art pour arme.

Dans la soirée du 23 avril, alors que des échauffourées se déroulaient à quelques dizaines de mètres, un chœur s’est invité pour entonner la Passion selon Saint Jean, de Johann Sebastian Bach. Timidement d’abord, puis avec assurance, les voix se sont élevées pour couvrir les cris d’agitateurs en cagoules, les pétards et les charges policières. Contraste irréel ! Bach au « son des canons », devant deux mille veilleurs qui prenaient alors conscience de la nécessité de leur action. « Il y a beaucoup de bruit autour de nous, essayez d’absorber cette violence », leur enjoignait-on au micro…

Un autre soir, étaient proposés à la méditation ces mots d’Antonio Gramsci : « ce qui arrive, arrive non pas parce que certains veulent qu’il arrive, mais parce que la majorité abdique sa volonté, laisse faire, laisse se grouper les nœuds qu’ensuite seule l’épée pourra couper, laisse promulguer les lois qu’ensuite seule la révolte fera abroger, laisse aller au pouvoir les hommes qu’ensuite seul une révolution pourra renverser. La fatalité qui semble dominer l’histoire n’est que l’apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme ».

Au fil des veillées, c’est Antigone refusant de céder à la fatalité, c’est Cyrano et son panache – « on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non, non c'est bien plus beau lorsque c’est inutile !  » – c’est La Rose et le Réséda, celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas.

C’est aussi Hélie de Saint-Marc, qui jure qu’il faut « croire à la grandeur de l’aventure humaine » et « savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher » ! Ce sont des cornemuses gémissantes au pied des Invalides, un violoncelle qui élève sa voix sourde sur le Champ de Mars.

« La beauté sauvera le monde », selon la formule de Dostoïevski, semble être leur devise. Une voie d’action « par l’intelligence et par le cœur ». Il ne s’agit pas ici d’un simple happening ou d’un sitting pour une opposition de circonstance. C’est un acte de désobéissance civile affirmé, puisque non-autorisé. Le risque est connu et assumé ; la nuit au poste, envisagée. « L’Etat ne garantit plus nos droits fondamentaux. A partir du moment où une loi votée est injuste, il est de notre devoir, à la suite d’Antigone, de désobéir », affirme Madeleine, une veilleuse des premières heures. Face à un projet de société qu’ils rejettent, ces hérauts d’une « résistance non-violente » murmurent le Chant des Partisans. Bien sur, les participants aux veillées sont libres de s’en aller quand ils le souhaitent. « Ici chacun sait ce qu´il veut, ce qu´il fait quand il passe ». La nuit avançant, certains se lèvent pour retourner à leur foyer. Les rangs alors se resserrent autour des bougies. « Ami, si tu tombes un ami sort de l´ombre à ta place ». Et la soirée se poursuit dans la nuit pour les derniers veilleurs : « chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute ! »

Jusqu’où iront-ils ? Quelle suite donneront-ils à cet élan ? Telle est bien la question qui se pose aujourd’hui. Les veillées devraient se poursuivre au cours du mois de mai. Et après ? Pas de réponse. Les organisateurs eux même semblent n’en savoir rien. Ils ont choisi de ne pas être propriétaires de leur mouvement, de le laisser les dépasser. Comme un poème qui n’appartiendrait plus au poète mais à ceux qui le reçoivent. Ils agissent, car il leur semble nécessaire d’agir, là et maintenant. Demain est un autre jour, et qu’importe la suite. Oui, qu’importe la suite puisque le message est passé à qui veut l’entendre : une génération se lève qui reprend gout aux rêves, lasse de l’indifférence ou des jeux politiques. Les veilleurs ne se contentent pas de résister, ils fondent. Ils s’arment de l’art pour nourrir leur détermination et voient grand, très grand ! Au moins aussi grand que la grandeur qu’ils accordent à l’Homme. Et quand ils doutent – qui ne doute pas, à vouloir vivre ses rêves ? – se sont les mots d’un vieux chant, leur hymne, appris en d’autres temps, lors d’autres veillées, qui montent de leurs lèvres :

« Je me penchais sur la terre
Et la contemplais, ravi.
Car il n’est que l’espérance
Pour animer notre cœur
Qui de nos plus noires souffrances
Sait toujours être vainqueur. »



Publié par Terre de Compassion, le 1er mai 2013.