Genèse




"Sur des carnets nus je retrace le roman d'aujourd'hui, avec les cendres d'hier matin et les reflets de demain..." (Lo'Jo)


 

Été 2011. L'horloge de l'ordinateur marque 17h00. La cinquième heure d'un après-midi qui n'en finit pas. Je l'avoue, le coeur n'est pas au boulot. La concentration est en berne et l'esprit en vadrouille. Un état bien entretenu par la chaleur d'août...  Le soleil cogne contre les vitres. Des klaxonnes crient dans la rue. Les parisiens encore présents dans la capitale en ces temps de vacances courent, comme à leur habitude. Les collègues virevoltent autour de moi. Et je bloque sur une idée : je veux écrire ! Ecrire, sur tout et rien. Ecrire ce qui me passe par les doigts, commenter, illustrer, déblatérer, gloser... Cela fait longtemps que j'y pense. Il me manquait le courage de me lancer, jusqu'à aujourd'hui.

Il est 17h00. La première page de ce qui sera mon blogue s'ouvre devant moi.

"Sur des carnets nus..."
Pourquoi un blogue ? Et pourquoi ne pas se contenter des lignes d'un Moleskine ? Peut-être par peur que le dit Moleskine reste au fond d'un tiroir. Pour trouver de la noblesse au quotidien et partager un regard. Pour nourrir l'espoir d'être lu, peut-être même apprécié, et alimenter en même temps un orgueil d'enfant. Je veux écrire comme on cause à un comptoir, lorsque l'alcool exalte les idées et donne puissance à la voix. Comme on refait le monde à des heures indues, comme on pleure aux heures cachées. Je veux jouer avec les mots, des mots qui n'ont d'autre importance que celle qu'on leur accorde au moment où il jaillissent. Et je veux les lancer à la volée sur une toile, carnet ouvert.

Les premières paroles d'une chanson de Lo'jo me reviennent en mémoire : "sur des carnets nus je retrace le roman d'aujourd'hui, avec les cendres d'hier matin et les reflets de demain..." (1) 

Cet espace que je m'offre sera mes "carnets nus". Ma signature empruntera le nom de deux personnages qui me fascinent. L'un a existé, l'autre est inventé. J'admire le premier et crains le second.

Joseph pour Joseph Kessel. Kessel le journaliste, le romancier, le "témoin parmi les hommes" (2). Kessel l'aventurier, la gueule, l'ogre. Ce lion qui me donne l'envie d'écrire et de voyager. Gynt pour Peer Gynt, l'étrange personnage sorti de l'imagination du norvégien Henrik Ibsen (3). Le héros amer du drame poétique éponyme. Parce qu'il connait le prix d'une aventure qui ne serait guidée que par l'orgueil : la solitude et la folie.

Joseph Gynt. Qu'il me soit permis de prendre un peu d'eux, pour donner un peu de moi.


Les carnets de Jo sont nés et je les offres au lecteur indulgent. A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai l'espoir de continuer loin cette aventure. Ce n'est pas l'orgueil qui la dicte mais le simple désir d'écrire et d'être lu. De rencontrer, en somme. Car après tout, on ne vit que des rencontres que l'on fait...


Alain C.
alias Joseph Gynt


(1) Sur des carnets nus, Denis Péan/Lo'Jo (Cosmophono, Wagram Music SA).
(2) Témoin parmi les hommes, titre de la série des six volumes de reportages de Joseph Kessel, à retrouver aux éditions Tallandier.
(3) Peer Gynt, Henrik Ibsen, aux Editions Acte Sud - Papiers.